2015/02/21

La coloniale

Dans ce bled il faisait chaud, l'ennui nous trouait la peau,
On vivait sans savoir si on reviendrait au pays (Hugues Aufray)




2015/02/15

Les bucoliques

« Une pièce de terre en labour nommée La Pétaudière et contenante, avec toutes ses hayes, fort celles du midy, quatre-vingt-douze cordes joignante : du couchant à pâture de Gaston Pignard, du nord au ruisseau dit le Tréchelû, du levant et midy jusqu'à chemin. Estimée 6 francs. »


2015/02/08

ANPéRo : Les nouvelles vagues

Publics secrets & squelette
Les racines approximatives font la sève des nouvellistes. Dans "22 vl'a les flics", on a parfois les linotypistes, les ouvriers typographes, utilisant les corps de police (de caractère) pour signaler l'irruption inopinée des contre-maîtres, d'un petit chef. Le corps 22 était destiné aux gros titres, et quand un employé le criait aux collègues, c'était signe d'interrompre une pause. Vingt-deux, c'est donc le procès verbal d'une soirée ANPéRo à la librairie Entropie, sise 198 boulevard Voltaire, accueillant trois nouveaux, dont une nouvelle : Zhara, Guillaume, Yannick. Appliquant la règle de trois, 22/3  = 198/k, que fit la fraction armée de rouge de nombreux corps gras? Résolvons : k =27. Il y eut donc audition du 27e Kultur Pop, compilation sporadique de génériques de France Culture, France Inter, et parfois d'autres. La voici.


Kultur Pop 2014.27 "Tempo"(ici en tout petit)
Le printemps s'approche
  • France Culture, Divers aspects de la pensée contemporaine : La grande loge de France : Chet Baker, These Foolish Things
  • France Culture, Perspectives scientifiques : Claude Bolling and J.-P. Rampal, Baroque and Blue (Suite for flute and jazz panio trio) 
  • France Culture, Les nuits, interlude : Teodoro Anzellotti, Gnossienne n°1 [Erik Satie]
  • Europe 1, Pour ceux qui aiment le jazz : Jimmy Griff, All about my girl
  • France Culture, Le temps buissonnier : Les blérots de R.A.V.E.L., Radio Tribale
  • France Culture, La salon noir (Sylvain Kahn) : Louis Sclavis, De Charybde en Scylla
  • France Culture, Un poco agitato (Yvan Amar) : Trio Esquina (Strossio, Enriquez, Tissier), Buenos-Aires Hora Cero [Astor Piazzolla]
  • France Culture, Matins d'été 2014 : Yom feat. The wonder rabbis, Kaddish for Superman
 Alors, place au PV : les nouvelles vagues, 2e déferlantes. En attendant que le printemps s'approche.

ANPéRo : Les Nouvelles vagues (06/02/2015)




Premier ANPéRo de l'année avec enfin du sang neuf, directement puisé dans les 2,2 % d’audience cumulée de France Culture, 93.5 FM Paris et alentours. 
Yep yep yep ! la chair plus ou moins fraîche et l'oeil plus ou moins clair, trois petits nouveaux, dont une nouvelle, sont venus passer la soirée d'hier en bonne compagnie à la librairie l'Entropie. Trois ! Sur les 300 000 auditeurs franciliens que compte la station, c'est très peu, certes, mais ce n'est pas rien : chouïa barka, comme on dit là-bas. Et puis, pour moi qui ne suis qu'oreilles et n'aime que les accords parfaits, une soirée réussie n'est pas subordonnée au nombre de convives, mais à la qualité de leurs gazouillis et de l'harmonie qui s'en dégage qu'ils soyent dix ou dix-mille :



A quoi ressemblaient les z'oiseaux-zelle de cette nouvelle espèce ? M'en va maintenant vous les décrire :

Jeune pousse d'endive
ZA... : petit bout de femme coquette, discrète et pleine de charme, qu'on imagine, je ne sais pas pourquoi, chanter des standards d'Ella Fitzgerald et Billie Holiday sur la scène new-yorkaise du Cotton-Club... ou bien encore du Piaf sur celle de l'Olympia.

YA... : tout le contraire de ZA, soit un grand bout d'homme avec des airs de bouddha à l'aise dans ses baskets, son pull marine et son battle-pant.

GU... : un jeune quadra un peu desperado sur les bords, mais hyper-attachant. S'est fondu dans le décor et l'ambiance avec une rapidité surprenante, au point de faire passer les vétérans des ANPéRos pour de jeunes novices.

A ces trois-là, et aux autres aussi, la librairie a fixé rendez-vous au printemps pour le prochain et peut-être dernier ANPéRo de la décade. On y verra encore une fois la tronche du tôlier si son banquier lui prête vie donc pognon, ou l'inverse. Probab' qu'on y fera à nouveau du barouf en baffrant, du shopping en chopinant... et possib' aussi qu'on quizz :



2015/02/07

João Ubaldo Ribeiro : vive le peuple brésilien

« L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation » (Ernest Renan, 11 mars 1882)

"Negroes washing
for diamonds"
John Mawe (1821)
Toi aussi tu verras qu'avec l'âge les occasions de t'enthousiasmer deviendront peu à peu de plus en plus rare : ça sera tantôt un petit air de guitare pas trop mal maîtrisé (si toutefois tu te rappelles des accords), tantôt une encore assez bonne performance sportive (à condition que ton arthrose le permette)... et tantôt la lecture d'un bouquin qui, malgré tout ce que tu auras déjà lu dans ta vie, t’enivrera de bonheur et te fera crier sur les toits : Ce livre est for-mi-da-ble !
Formidable, ce pavé de 600 pages l'est à plus d'un titre, d'abord par sa qualité d'écriture, son érudition et son humour délicieux, ensuite par le thème qui le parcourt, à savoir l'intrusion de la lutte des classes dans la formation du plus fumeux des concepts : l'identité nationale. Difficile en effet d'imaginer qu'au sein d'un pays aussi composite que le Brésil, cette identité soit demeurée si longtemps à l'image de l'aristocratie, puis de la bourgeoisie — blanche, riche, catholique et conservatrice —, sans admettre qu'elle ne fut utilisée qu'à seule fin d'affermir la domination d'une caste sur le reste de la population au prétexte que celle-ci n'était pas "brésilienne". Or, qui donc, de Manaus à Bahia et de Porto Alegre à Belém, a bâti la nation pierre à pierre ? Essentiellement des noirs et des aborigènes, tout un prolétariat maintenu des siècles durant dans l'ignorance et l'asservissement. Et qui s'enrichissait à leurs dépens ? Les brésiliens ! C'est-à-dire une poignée de rentiers, d'homme d'affaires, de banquiers, tous auréolés des vertus cardinales que sont le courage, la justice, la bonté, si si ! et tous défendant leurs intérêts exclusifs, je veux dire : "partageant les mêmes valeurs nationales". Bref, ce à quoi nous convie João Ubaldo Ribeiro à travers son opus, c'est à revisiter l'Histoire officielle qu'il considère comme un tissu de mensonges mis au service des puissants. Pour lui, l'âme d'une nation ne prend corps qu'au sein des opprimés et si "identité" il y a, alors elle se forge sur l'enclume des siècles à grands coups de conquêtes, fruits des combats menés par ceux qui n'ont rien contre ceux qui ont tout — car de quoi pourrait s'enorgueillir un pays sans les combats des femmes pour obtenir le droit de vote, des ouvriers pour le droit de grève, des journalistes pour celui d'informer, etc etc... 
Iconoclaste, subversif et drôlissime, voilà résumé en trois mots ce livre enthousiasmant : 















João Ubaldo Ribeiro : vive le peuple brésilien (1984)
Traduction de Jacques Thiériot (1989)
Aux Editions Belfond